L'Église Notre-Dame des Pommiers

Il est fait mention d’une église ou d’une chapelle à Largentière à la fin du XIIe siècle. Église certainement très modeste au départ, mais qui va être reprise et construite sur des dimensions imposantes : église à trois nefs commencée certainement à la fin du XIIe. Deux documents mentionnent l’église Beata Maria de Pomeriis. La légende veut que l’église fût primitivement prévue sur la colline de Fanjau (rive gauche de la Ligne) à l’emplacement présumé d’un temple païen : chaque jour les outils se trouvaient miraculeusement transportés à l’emplacement actuel de l’église sous un pommier. Mais il semble plus probable que Pommier vient de pomoerium : espace consacré autour des remparts sur lequel il était interdit de bâtir. Or l’église est adossée aux remparts et a fait partie de l’enceinte fortifiée. Le début du XIIIe siècle est une période décisive pour le devenir de la province du Languedoc ; se succèdent en effet la croisade contre les Albigeois, la dépossession des comtes de Toulouse et la prééminence des évêques de Viviers. Nous trouvons dans cette église beaucoup de détails et de réminiscences romanes : les chapiteaux des piliers du chœur sont des chapiteaux romans : feuilles d’acanthe plus ou moins transformées, piliers posés sur des soubassements carrés. Mais nous sommes à une période où le comte de Toulouse va être dépossédé de tous ses fiefs (traité de Paris 1229), remplacé par la mainmise du pouvoir capétien sur les mines de Largentière et un peu plus tard sur tout le Vivarais. L’art gothique va modifier la construction de l’église : croisées d’ogives au lieu de voûtes romanes, chapiteaux caractéristiques de la première période gothique. Mais cependant on a conservé dans cette église la tradition romane : pas de fenêtres, pas de vitraux. On a terminé cette église avec des voûtes à croisées d’ogives mais dans la tradition méridionale des églises assez obscures. De plus, ce monument a été construit à une époque particulièrement troublée et les questions de sécurité étaient primordiales. Cette église, dès le plan primitif, était prévue à trois nefs, or il ne s’agit pas d’une église monastique, mais d’une simple église paroissiale ; il faut voir dans ce projet ambitieux la volonté de faire état de la richesse de celui qui fait construire ce monument : Largentière est riche de ses mines d’argent ; ses possesseurs, comte de Toulouse, évêque de Viviers, consuls, veulent que ce monument symbolise la richesse de la cité.

Ce monument évoque donc la période transitoire entre deux souverainetés : les Capétiens succédant aux comtes de Toulouse et l’art gothique remplaçant le roman. Les clés de voûte en sont un témoignage : celle du chœur est marquée du blason du comte de Toulouse, donc nous sommes avant 1229, tandis que sur la clé de voûte de la nef latérale nord se trouve le blason de France : écusson de saint Louis semé de trois fleurs de lys, blason ancien, armoiries des premiers Capétiens ; cette travée a donc été édifiée quelques années après la précédente. Il semble donc que la construction de ce monument ait été rapide, commencée sans doute dans les dernières années du 12ème siècle, elle a été terminée vers 1240-1250. Il y eut certaines adjonctions plus ou moins heureuses au cours des siècles ; les deux chapelles placées au fond des deux nefs latérales auraient été construites en 1307 par l’évêque Louis de Poitiers ; la chapelle de la Sainte Vierge a été fondée en 1519 par Pierre Allamel ; les deux chapelles nord sont du 19e siècle. La flèche gothique date de 1868 ; elle a remplacé la tour carrée de l’ancien clocher, lequel avait lui-même remplacé le clocher primitif formé d’un mur percé de trois arcades. M. le curé Léorat (curé de Largentière de 1848 à 1877) a aussi fait ouvrir la grande porte ouest et construire la tribune. Mais ces adjonctions ne modifient guère le plan primitif de l’édifice qui nous est pratiquement « livré » tel qu’au 13e siècle les architectes l’avaient conçu. En effet beaucoup d’églises de cette époque ont eu à souffrir des guerres de Religion, mais celle-ci a été épargnée ; en 1562 les protestants ont incendié et détruit le riche couvent des Cordeliers situé à 200 mètres de l’église et cela suffit à marquer leur pouvoir. Il faut noter encore le sarcophage qui se trouve au fond de l’église : découvert en 1953 dans le cimetière actuel, sur l’emplacement du couvent des Cordeliers, il semble contemporain de la création de ce couvent sans doute au 13ème siècle. La chaire de cette église provenant du couvent des Cordeliers ; une inscription en langue romane situe parfaitement son ancienneté, en voici la traduction : « l’an 1490 et le V octobre moi Pierre Garnier de Coulens ai donné cette chaire au couvent des Frères Mineurs de Largentière ».

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